On se souvient qu'en 1938 Panassié retrouva à New York Tommy Ladnier, ce trompette qui était bien oublié. Il organisa les fameuses « Sessions Panassié » avec Sidney Bechet, Mezz Mezzrow, Zutty Singleton, des musiciens qu'on avait cessé d'enregistrer alors qu'ils étaient dans leur meilleure forme, âgés de 35 à 40 ans. Ces enregistrements, continuellement réédités depuis, ont eu une influence immense, notamment sur Claude Luter, Maxim Saury, Claude Abadie, Claude Bolling, et tant d'autres musiciens européens dont la carrière commença dans les années 40. Ils étaient bien loin de s'enfermer dans un passéisme stérile comme le leur reprochèrent quelques cornichons progressistes. Hugues écrivait à propos de ces adversaires du jazz traditionnel : « Ils veulent que le jazz fasse machine arrière... D'une musique de danse au swing impétueux, qui réchauffe le sang, on fera une musique de concert anémiée, afin d'obéir aux idées reçues... Et avec quelle hypocrisie! Au nom du progrès! Vous savez, les vieilles sornettes : « On n'est plus à l'époque des diligences... Le jazz, c'est pareil, tout ce qui n'est pas moderne est moche... ». L'orchestre de Claude Luter est l'orchestre le plus moderne. Tournant le dos aux poncifs éculés, ces jeunes ont su voir dans le jazz ce qui était nouveau, ce qui était authentique... C'est un orchestre de jazz. Le jazz, c'est l'orchestre de Claude Luter aussi bien que celui de Count Basie ».
Hugues Panassié possédait une culture universelle. Ses lectures préférées allaient entre autres à Léon Bloy et à Chesterton. Il appréciait la fermeté de la réflexion de cette philosophe du plus haut mérite : Simone Weil (qui mourut à Londres en 1943). Une citation de cette grande spiritualiste peut s'appliquer à la musique de jazz et à ses musiciens : « Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu'à l'avenir... L'avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien. C'est nous qui, pour le construire, devons tout lui donner. Mais pour le donner, il faut posséder, et nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors du passé, assimilés, recréés par nous ».
Rien ne nous étonnait chez Panassié si éclectique, capable de rédiger une étude de 23 pages sur « Nietzsche en face du christianisme » dans une revue en 1945 ainsi que des conseils pratiques: « Comment éviter les maux de gorge » dans un périodique de 1951